Bruit au travail : comment prévenir les risques ?
Les nuisances sonores au travail constituent une vraie menace pour la santé. Outre la gêne auditive, elles peuvent provoquent surdité, stress et fatigue, avec des conséquences lourdes sur le long terme. Pourtant, il existe des solutions efficaces pour protéger les salariés contre le bruit.
En France, 50 % des actifs se plaignent de nuisances sonores dans leur travail. Et un Français sur quatre souffrirait d’acouphènes directement liés à cette exposition1.
Impossible de le nier : nos oreilles sont de plus en plus sollicitées. Machines, ordinateurs, téléphones portables, lecteur MP3, musique ambiante, le tout amplifié par les oreillettes et les casques recommandés dans certaines professions…
Bref, le bruit est aujourd’hui omniprésent dans l’espace professionnel. Mais à partir de quand devient-il délétère ?
« On considère que l’ouïe est en danger à partir de 80 décibels pour huit heures de travail, indique le Dr Cédric Aubert, médecin du travail et membre du comité scientifique de l’association Journée nationale de l’audition (JNA). À partir de 85 décibels, la mise à disposition de protections auditives est obligatoire et la réduction du bruit à la source doit être impérativement envisagée. »
Des mesures de bruit de fond (sonométrie) et un suivi de l’audition des salariés par audiométrie permettent ainsi d’évaluer l’impact du bruit. Les métiers du bâtiment, des travaux publics et de l’industrie sont particulièrement touchés par ce phénomène. Tout comme les hommes, davantage présents dans ces professions. Dans ces branches, des bruits impulsionnels (aigus et soudains), s’élevant parfois à plus de 135 décibels, viennent en prime s’ajouter au brouhaha ambiant.
Qualité de vie et santé menacées
Dans le secteur tertiaire, où l’open space est désormais la norme, échapper aux nuisances sonores est aussi devenu un vrai défi. Alors que l’Institut national de recherche et de sécurité au travail (INRS) recommande un environnement sonore inférieur à 55 décibels, ces espaces de travail peuvent présenter un volume allant jusqu’à 70 décibels.
Même constat dans les magasins et hypermarchés, où la musique de fond, censée influencer l’acheteur, s’est généralisée. Tout ceci implique une charge cognitive plus importante. « Cette exposition prolongée au bruit a pour conséquence de la fatigue, des difficultés de concentration et de mémorisation, du stress, de l’anxiété et des troubles du sommeil », souligne le Dr Aubert.
L’altération de la qualité de vie au travail n’est pas la seule conséquence à court terme. Une surdité aiguë, brutale, associée ou non à des acouphènes, peut se déclarer à la suite d’un bruit intense, comme une explosion, par exemple. Un choc acoustique, en cas de port de casque de téléphonie, peut aussi se produire (lire encadré). « Ces surdités ne sont que partiellement réversibles, sous réserve d’une prise en charge médicale rapide. Il reste des séquelles dans la majorité des cas, surtout si elles sont associées à des lésions de l’oreille interne (perforation du tympan, destruction des osselets, etc.). »
À plus long terme, une exposition prolongée à de fortes fréquences peut entraîner des acouphènes, mais surtout une surdité profonde, bilatérale et irréversible : 15 à 16 % des surdités sont liées à une exposition professionnelle au bruit. Des effets extra-auditifs ont aussi été recensés, avec « une augmentation des risques d’infarctus du myocarde et d’accident vasculaire cérébral », précise Cédric Aubert.
Attention aux chocs acoustiques ! Un choc acoustique est un bruit strident, court et imprévisible reçu dans un casque en raison d’une perturbation électromagnétique. Bien connu des opérateurs dans les centres d’appels téléphoniques, cet effet Larsen conduit parfois à des traumatismes sonores reconnus comme accidents du travail (hyperacousie, décalage temporaire du seuil de l’audition). Pour corriger le problème à la source, il est nécessaire de mandater une société experte qui identifiera l’origine du choc. Mais il convient aussi d’équiper tous les postes de limiteurs numériques de dernière génération associés à des casques adaptés : ces dispositifs de protection permettent de détecter et de filtrer les chocs acoustiques. |
De l’isolant à l’isoloir
Face à de telles situations, rien ne sert d’attendre. Consulter rapidement son médecin traitant ou un ORL pour mettre en place le traitement approprié (corticothérapie le plus souvent) est vivement conseillé. Le médecin du travail demeure le second interlocuteur incontournable pour que les conditions professionnelles puissent évoluer.
Si l’on ne sait pas aujourd’hui guérir la surdité, l'appareillage par des prothèses électroniques se contentant d'amplifier la fonction auditive, on sait en revanche la prévenir. Avec des solutions qui ont fait leurs preuves : diminution du bruit provenant des machines, révision de l’acoustique des locaux via la pose de panneaux isolants, réorganisation du poste de travail pour éloigner le salarié des zones bruyantes, réaménagement de l’espace (photocopieuses, fax ou imprimantes mises à distance des postes de travail, bureaux en îlots pour limiter la transmission du bruit…) ou encore protections individuelles (bouchons d’oreille, casques, etc.).
Mais la mise en place de ces mesures exige une vraie réflexion en amont. « La formation est le meilleur moyen de sensibiliser les salariés aux bruits dont ils sont victimes, mais aussi aux nuisances que nous engendrons tous envers autrui », complète le Dr Aubert. Dernier équipement en vogue : « l’isoloir ». Des cabines acoustiques, vitrées et fermées, permettent d’échapper un temps à l’agitation frénétique de l’open space. La demande explose. Mais pour s’équiper, l’entreprise doit y mettre le prix : 8 000 euros pour permettre à ses salariés de passer tranquillement un coup de fil depuis la bulle.
Ariane Langlois (Tribune Santé)