Le nouveau droit à la déconnexion des salariés
Créé par la « Loi Travail », le droit à la déconnexion s’efforce de prévenir l’envahissement par le travail de la sphère privée via les nouvelles technologies de la communication.
Smartphones, tablettes, ordinateurs : l’usage de ces nouveaux outils de communication en dehors des heures de bureau ou hyperconnexion modifie considérablement le travail.
« Au lien de subordination pré-existant, ces appareils ajoutent une sorte de « laisse électronique » limitant l’autonomie du travailleur, présente Jean-Claude Delgenes, directeur général de Technologia, cabinet spécialisé en risques psychosociaux. Dans tous les secteurs, ils correspondent souvent à une intensification de la charge de travail et à un effritement du temps entre vie privée et vie professionnelle. »
Selon une étude INSEE de 2003, un cadre sur trois disait travailler trois soirs par semaine de 20h à 24h. En 2013, c’était le cas d’un sur deux ! Selon une autre étude de l’Agence nationale pour l'amélioration des conditions de travail (Anact), 63% des cadres travaillent sur leur temps personnel.
Les risques de la non déconnexion se situent à trois niveaux. Risque d’appauvrissement culturel. En travaillant en permanence, on ne se recharge pas en connaissances. Les autres activités sont comme cannibalisées par le travail. Risque d’épuisement professionnel. Toujours tributaire de son employeur, on ne s’évade jamais du travail. Risque de dépendance virant à l’obsession, avec la crainte d’avoir raté quelque chose.
Neuf mois d’arrêt maladie
L’article 55 de la loi du 8 août 2016 dite « loi Travail », (ne concernant que les entreprises de plus de 50 salariés) introduit un droit à la déconnexion essayant de prévenir ce problème. L’employeur a l’obligation de négocier un accord ou une charte (moins contraignante) avec les représentants des salariés pour déterminer l’application de ce droit. Opposable devant un tribunal, l’accord peut être plus ou moins détaillé. L’employeur doit être très vigilant pour faire respecter les temps de repos et de congés, surtout à une époque où deux tiers des salariés ont des horaires atypiques. Il doit aussi mettre en place des outils de mesure du suivi de l’accord.
« Au lieu d’être dans la contrainte, l’employeur doit favoriser un travail sain accompagné de reconnaissance et entraîner tous ses salariés à être dans une logique de sanctuarisation de la vie privée, reprend M. Delgenes. Quand on travaille trop, on travaille mal. L’urgence permanente peut faire prendre des risques à l’entreprise. Un épisode de burn-out peut entraîner jusqu’à 9 mois d’arrêt maladie ! »
La loi propose aussi aux employeurs d’organiser des actions de formation sur la déconnexion. Au-delà de la persuasion, certaines entreprises ont mis en œuvre des dispositions particulières, par exemple en encadrant de façon stricte l’usage des mails : journées sans mail, envois tolérés en soirée qu’une ou deux fois par semaine, interdiction d’envois pendant les jours non travaillés… D’autres ont régulé la charge de travail par la création de binômes. Un collègue au courant des mêmes dossiers peut être contacté en l’absence d’un salarié.
Le législateur n’a pas jugé nécessaire de prévoir des sanctions en cas de non-respect du droit à la déconnexion, puisque, par exemple en cas d’accident du travail ou de santé (infarctus, burn-out…), il devrait être aisé pour le salarié de prouver la responsabilité de son employeur. Un salarié constatant que son droit à la déconnexion n’est pas effectif peut en parler à son manager, aux représentants du personnel ou au médecin du travail.
Nadine Allain